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RECOURS ENTRE CONSTRUCTEURS

Prescription applicable et point de départ du délai de prescription

La Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 8 février 2012 (n°11-11.417), que l’action entre les constructeurs est de nature contractuelle lorsqu’ils sont liés par un contrat, et de nature quasi-délictuelle lorsqu’ils ne le sont pas.

 

Cet arrêt avait le mérite de clarifier le fondement des actions qui pouvaient être engagées entre constructions.

 

Toutefois, la question de la prescription, et notamment celle de l’application du délai décennal demeurait, en raison de l’articulation entre l’article 1792-4-3 du Code civil, qui dispose :

 

« En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux. »

 

Et l’article 2224 du même code qui précise :

 

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

 

• Par un arrêt du 16 janvier 2020 (n°18-25.915), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a tranché cette question.

 

En l’espèce, les travaux de construction d’un immeuble avaient été réceptionnés le 23 décembre 1999.

 

Constatant des désordres, le syndicat des copropriétaires avait assigné l’architecte, le carreleur et son assureur en référé expertise, respectivement les 17, 28 décembre 2009 et 25 janvier 2010, puis à l’issue des opérations d’expertise, avait assigné en indemnisation l’architecte le 11 décembre 2013.

 

L’architecte avait, quant à lui, appelé en garantie le carreleur et son assureur les 10 et 12 juin 2014.

 

La Cour d’appel avait déclaré prescrite l’action en garantie de l’architecte sur le fondement de l’article 1792-4-3 du Code civil, en retenant comme point de départ de la prescription la date de réception des travaux.

 

La Cour de cassation censure sa position et apporte plusieurs éclairages sur les recours entre constructeurs.

 

Tout en rappelant le fondement de ces actions, elle précise que le recours d’un constructeur contre un autre ne peut pas être fondée sur la garantie décennale.

 

Les dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil ne trouvent à s’appliquer qu’aux actions en responsabilité dirigées par le Maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou les sous-traitants.

 

En conséquence, les recours entre constructeurs sont soumis à l’article 2224 du Code civil, et donc à la prescription quinquennale.

 

En outre, concernant le point de départ de la prescription, celui-ci ne peut pas être – d’après la Cour de cassation – la date de réception des travaux mais le jour où le constructeur a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son recours.

 

En l’espèce, il s’agissait de l’assignation en référé délivrée par le Maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal.

 

• Par un arrêt du 19 mars 2020 (n°19-13.459), la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation précise la prescription applicable aux recours entre constructeurs, dans le prolongement de son arrêt du 16 janvier 2020.

 

En l’espèce, le Maître de l’ouvrage promoteur-vendeur avait confié l’exécution de travaux de VRD au sein de la propriété appartenant à des époux Y, à une société X.

 

En raison de retard dans la réalisation des travaux et de l’apparition de désordres, les époux ont assigné le promoteur vendeur maître d’ouvrage et la société exécutante, en référé expertise, le 25 mars 2010.

 

Une transaction a été conclue avec le promoteur-vendeur qui a, par la suite, assigné la société X en indemnisation, le 14 décembre 2015.

 

La Cour d’appel a fait droit à cette demande en retenant que le délai de prescription applicable était celui de l’article 2224 du Code civil et qu’il avait commencé à courir le jour où le promoteur-vendeur avait connu les faits, soit le jour de l’assignation en référé expertise, et qu’il s’est trouvé suspendu pendant les opérations d’expertise.

 

La Cour de cassation vient censurer la seconde partie du raisonnement de la Cour d’appel.

 

Ainsi, la Cour de cassation vient rappeler que l’interruption de la prescription ne peut être revendiquée que par le créancier de l’obligation ayant initié l’action (Cass. Civ. 2ème, 23 novembre 2017, n°16-13.239).

 

En outre, la suspension de la prescription découlant de la mesure d’instruction ordonnée par le Juge avant tout procès, faisant suite à l’interruption au profit de la partie ayant sollicité la mesure d’instruction, ne joue également qu’à son profit (Cass. Civ. 2ème, 31 janvier 2019).

 

En l’espèce, l’action du promoteur-vendeur était donc soumise à la prescription de 5 ans qui n’avait été ni interrompue par le référé expertise introduit par les époux, ni suspendue pendant les opérations d’expertise.

 

Son action était donc prescrite depuis le 25 mars 2015, date à laquelle le promoteur-vendeur avait eu connaissance des faits par la signification de l’assignation en référé le 25 mars 2010.

 

Par un arrêt du 1er octobre 2020 (n°19-13.131), la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que le point de départ de l’action récursoire d’un constructeur à l’encontre de son sous-traitant ou d’un autre constructeur est l’assignation en référé-expertise délivrée par le Maître d’ouvrage à son encontre.

 

La Cour de cassation justifie cette solution aux motifs que le constructeur assigné en référé-expertise voit sa responsabilité mise en cause.

 

La 1ère Chambre civile a également réaffirmé sa position, par un arrêt du même jour (19-21.502), en indiquant :

 

« Le délai de prescription du recours en garantie formé par un constructeur à l’encontre d’un autre constructeur et son point de départ ne relèvent pas des dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil mais des dispositions de l’article 2224 du Code civil, et se prescrit donc par 5 ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer ».

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